Des apports de Bourguiba, l’on retiendra ces axes essentiels du développement que sont l’éducation nationale, l’enseignement et la formation. L’économie n’était pas son fort mais il a fait appel à des économistes de renom. Il a donné sa chance au socialisme autoritaire et a su s’en retirer en en rejetant la responsabilité sur d’autres. Il a proclamé un pluralisme du bout des lèvres, mais il avait pris de l’âge et les moyens lui manquaient. Et puis, manquaient au pays l’aura de leaders concurrents et la confiance en la démocratie de chez nous. Car elle a été hésitante. A ce jour.
Aujourd’hui, les républicains fêtent la République. Les vrais républicains et les moins vrais. Car la République, au terme de ses 62 années d’exercice, a fini par ajuster sa taille aux différents groupes de citoyens, entre les authentiques et les tolérants, englobant ainsi différentes teintes d’essence idéologique, de sensibilités et de courants pas toujours rassurants.
Et comme toute jeune république, notamment issue du mouvement de libération nationale, ses débuts ont été difficiles. Même si, en réalité, les difficultés sont dues plus aux désaccords internes au mouvement national, suite à l’émergence en son sein d’une frange refusant le principe des étapes préconisé par Bourguiba, démarrant sur un régime d’«autonomie interne» comme proposé par le président du Conseil des ministres français, Mendès-France, socialiste, lors d’une déclaration de négociation prononcée en Tunisie et qui avait conduit à sa destitution.
De ce côté-ci de la Méditerranée, cette position de rapprochement autour du principe de l’autonomie interne, entre le président du parti Néo-Destour, Habib Bourguiba, et le puissant homme politique français de la gauche modérée, avait conduit le secrétaire général du parti destourien (dit Néo-Destour), Salah Ben Youssef, à rassembler les «vrais patriotes» et à renforcer son alliance avec le leader nationaliste arabe Jamal Abdenasser, président égyptien. D’où, sur le terrain du «maquis», dans le sud et les montagnes de Tunisie où trouvent aujourd’hui refuge les terroristes, une relance des actes de violence antifrançais menés par «les fellagas», dont les rangs s’étaient divisés et les moyens renforcés, les uns combattant désormais tous les «bourguibistes», les autres les «benyoussefistes». Jusqu’au congrès de Sfax, organisé par Bourguiba avec l’aide de l’Ugtt et l’encadrement concret de Habib Achour.
Ainsi donc, Bourguiba devenait une force incontournable pouvant contrôler le mouvement patriotique avec pratiquement toutes ses composantes. D’où son autorité morale dans le pays, y compris vis-à-vis de Son Altesse le Bey Sidi Lamine et les autorités du «protectorat».
Le deuxième test aura été la promulgation par les soins du Bey d’un décret portant création du Code du statut personnel, et ce le 13 août 1956, moins de cinq mois après l’indépendance, alors que Bourguiba n’était que Premier ministre. Preuve que l’on ne refusait plus rien à Habib Bourguiba.
S’agissant de la proclamation de la République, elle fut précédée d’un long débat au sein de l’Assemblée constituante durant de nombreuses séances sur plusieurs semaines, afin de sensibiliser l’opinion, le Bey, les notables et le personnel politique aux intentions du futur président et au régime présidentiel en projet.
Les limites du régime beylical
Suite à diverses réformes sociales, ainsi qu’à la crise économique et financière, les limites des possibilités du régime beylical en place avaient conduit la population à craindre le pire. Et le régime parlementaire constatait que les convictions ancestrales de la dynastie beylicale ralentissaient les projets que Bourguiba avait promis lors de sa campagne électorale, programme qu’il défendait lui-même en tant que député de la Constituante. Et malgré son pouvoir de conviction, son aura et ses capacités de séduction, il a vite fait de convaincre ses compagnons du parti destourien et ses alliés du Front national — Ugtt, Utica et Union des femmes — que la République apporterait un bond qualitatif au pays. D’où le vote massif en faveur de l’abolition de la royauté et la proclamation de la République.
Bourguiba a été ainsi élu en plénière de l’Assemblée, par le biais d’un suffrage indirect, en tant que président de la République tunisienne avec effet immédiat, le 25 juillet 1956. L’annonce en a été faite solennellement par le président de l’Assemblée, Jallouli Farès.
La proclamation de la République a ouvert à Bourguiba de larges perspectives dans la direction des affaires du pays. Ses initiatives se sont avérées tantôt bénéfiques, tantôt discutables, mais toujours autoritaires. Jusqu’à la proclamation de la «présidence à vie» assortie d’élections tous les cinq ans.
Son pouvoir a été absolu, jusqu’au 26 janvier 1978, date de révolte de l’Ugtt, suivie en octobre de l’emprisonnement de Habib Achour et de son équipe du Bureau exécutif de l’Ugtt.
Des apports du chef de l’Etat, l’on retiendra ces axes essentiels du développement que sont l’éducation nationale, l’enseignement et la formation. L’économie n’était pas son fort mais il a fait appel à des économistes de renom. Il a donné sa chance au socialisme autoritaire et a su s’en retirer en en rejetant la responsabilité sur d’autres. Il a proclamé un pluralisme du bout des lèvres, mais il avait pris de l’âge et les moyens lui manquaient. Et puis, manquaient au pays l’aura de leaders concurrents et la confiance en la démocratie de chez nous. Car elle a été hésitante. A ce jour.
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